MÉDIA
Ni âge ni genre : la marque des grands
Publié le 2/06/25

La recension 5***** d’Alain Lompech, « Du piano à bretelles de Félicien Brut au Steinway d’Arielle Beck, la magie d’Angers Pianopolis », Bachtrack.

Photo © Jérémy Fiori.

Extrait : « … un récital que l’on n’est pas près d’oublier. La « petite » Arielle Beck entendue il y a trois ans à Chantilly a aujourd’hui 16 ans, passe son bac et travaille dans la classe de Claire Désert, au Conservatoire de Paris. Programme sans entracte : Suite anglaise n° 2 de Bach, Sonate en la mineur D. 784 de Schubert et Sonate n° 1 de Schumann. Elle est folle, se dit-on. Eh bien non. Une grande pianiste est là. Une intelligence, un sens des proportions et des équilibres parfaits, une pulsation solide et souple nous vaut un Bach qui se libère à mesure qu’il avance dans une dramaturgie qui réussit à intégrer les danses en un tout irrésistible.

Schubert ? Pareille énergie mentale, adoucie par l’allure moins formelle de la composition, plus balancée entre l’instant et son inscription dans le temps poétique émeut. Et comment une si jeune femme a-t-elle cette autorité naturelle, ce sens du récit et du mystère que la longue sonate de Schumann met à l’épreuve en permanence ? C’est la marque des grands et ils n’ont ni âge ni genre. Le style intimidant d’Arielle Beck a beaucoup à voir avec celui de Virsaladze entendue la veille : la musique et sa présentation au public sont une chose très sérieuse qui fuit la joliesse.La virtuosité de Beck lui permet de jouer sans aucune entrave et sa culture du son est d’une vétérane. Le premier mouvement est complexe, plein de sursauts inopinés. Le dernier est harassant pour la mémoire et pour l’imagination du pianiste confronté à tant de redites. Beck est présente en chaque note, à travers un jeu dense, charnu, puissant, organique et libre, fluide et charpenté qui respire large et la conduit au triomphe. La musique passe en un éclair. En bis, les Variations sérieuses de Mendelssohn nous épargnent les bluettes et ce choix en dit long sur la conscience d’une musicienne qui est aussi une virtuose grisante, capable d’emportements fulgurants qui font sortir du cadre. C’est aussi là le signe d’une voix singulière. »