
Naissance d’une grande artiste parmi les pianistes d’exception
Au 16e Variations Musicales de Tannay, Arielle Beck a offert un récital d’une maturité, d’une virtuosité et d’une profondeur musicale proprement époustouflantes (Emmanuel Andrieu, Classiquenews).
Photo © Fabrice Nassisi.
Extrait : « Avec une intelligence de programme remarquable, la jeune pianiste a choisi un voyage à travers quatre siècles de musique, alliant rigueur baroque, romantisme tourmenté et variations géniales (en jouant sans partition!). D’emblée, la Suite anglaise n°2 de J. S. Bach s’est élevée avec une clarté et une précision rhythmique impeccables. Arielle Beck a transcendé la partition au-delà de l’exercice style : chaque danse (Allemande, Courante, Sarabande, Bourrées, Gigue) a pris vie avec un sens inné de la narration et un toucher délicat mais affirmé. Les ornements étaient naturels, le phrasé élégant — une interprétation qui allie respect de la tradition et souffle contemporain. Puis, plongée dans l’univers sombre et poignant de Franz Schubert avec la Sonate D784. Dès les premières mesures en octaves dépouillées, Arielle a installé une tension dramatique palpable, qui mettaient en lumière la profondeur tragique et la texture austère de l’œuvre. L’Allegro giusto était à la fois implacable et subtil, l’Andante en fa majeur d’une sensibilité à couper le souffle, et le final Allegro vivace déchaîné mais contrôlé avec une maîtrise stupéfiante pour son âge.
Puis ce fut au tour de la Sonate op. 11 de Robert Schumann de captiver l’auditoire. Œuvre de jeunesse du compositeur, elle fut portée par une énergie juvénile mais aussi une compréhension mature de sa structure complexe et de ses dualités émotionnelles. Arielle a joué avec une passion contenue, un lyrisme intense et une variété de couleurs qui ont révélé toute la richesse de cette partition exigeante. En clôture, les Variations sérieuses de Félix Mendelssohn ont été un véritable feu d’artifice technique et expressif. Les 17 variations ont défilé avec une agilité, une puissance et une nuances rares : du drame à la tendresse, de la fugue rigoureuse aux passages aériens, chaque variation était caractérisée avec une inventivité et une cohérence remarquables. La conclusion fut à la hauteur de la performance : un tonnerre d’applaudissements et une standing ovation immédiate et unanime, couronnée par deux bis, dans lesquels la jeune virtuose a su opposer l’éclat virtuose et l’énergie diabolique de l’Introduction et rondo capriccioso de Félix Mendelssohn à l’intimité poétique et au flux hypnotique de la Barcarolle de Frédéric Chopin, démontrant ainsi sa maîtrise des deux extrémités du spectre expressif.
Le public, conquis et ému, a salué la naissance d’une grande artiste, déjà prête à intégrer le cercle très fermé des pianistes d’exception. Car à seulement 16 ans, Arielle Beck possède non seulement une technique impeccable — précision des traits, vélocité, puissance maîtrisée — mais surtout une maturité artistique et une capacité à communiquer l’essence des œuvres qui force l’admiration. »